Dossier

Démarche low-tech dans l’industrie normande

En 2022, l’ADEME Normandie a lancé un appel à manifestations d’intérêt (AMI) pour accélérer le déploiement de démarches low-tech au sein de l’écosystème industriel de la Région. Quel constat un an plus tard ?


Quel regard portez-vous sur les low-tech dans l’industrie ? Et comment évolue la démarche en Normandie ?
Quentin Tizon

Pendant longtemps, la démarche low-tech a été un sujet marginal porté par des intellectuels et des passionnés férus de bricolage. Mais le concept se démocratise. De plus en plus d’acteurs économiques le reprennent à leur compte même si ça reste encore intimiste ! Pour sa part, l’ADEME Normandie a lancé un premier AMI l’an dernier, pour soutenir le déploiement de telles démarches. Nous avons reçu 23 dossiers, et en avons retenu neuf, dont celui de La Belle Tech, une entreprise qui accompagne ses clients – artisans et industriels – vers une plus grande souveraineté technologique.

Élise Hauters

La Belle Tech est une structure née de la rencontre de CPM Industries, une PME spécialiste de la chaudronnerie fine et de la mécanique, avec des acteurs de la low-tech. Ce projet est le fruit d’un cheminement personnel et collectif, qui nous a mené de la recherche du moindre impact environnemental et humain à la low-tech. Notre ambition est de professionnaliser la démarche low-tech en faisant se rencontrer artisanat et industrie pour développer des outils sobres, accessibles à tous, robustes et réparables. Le premier d’entre eux, lui aussi lauréat de l’AMI de l’ADEME, est un modèle de rocket stove, un poêle à bois ultra performant destiné aux restaurateurs.

Quels sont les freins à l’essaimage des démarches low-tech ?
É. H.

Il ne faut pas se voiler la face : la low-tech a encore du mal à se développer. Il y a plusieurs raisons à cela. La première est une réticence collective majeure à revenir sur notre confort. La démarche low-tech peut sembler exigeante et chronophage. Sa dimension « autoconstructive » amène également de nombreuses barrières pour un usage professionnel à grande échelle, aussi bien du point de vue assurantiel que réglementaire.

Q. T. 

Les contraintes réglementaires constituent effectivement un frein puissant, même quand les solutions ne sont pas autoconstruites. Certains des projets lauréats de l’AMI connaissent des parcours d’homologation difficiles ! Mais, plus généralement, je dirais que la principale difficulté vient du fait que la société n’est pas encore prête culturellement. Il y a là, d’ailleurs, un vrai travail de vulgarisation à mener pour l’ADEME !

De quoi ont besoin les acteurs en priorité ?
Q. T. 

Ils ont besoin d’une reconnaissance institutionnelle, d’un signal fort pour changer le regard des financeurs et des législateurs. Ils ont aussi besoin qu’émergent des écosystèmes locaux favorisant la mutualisation des compétences et réflexions. C’est d’ailleurs l’un des enjeux de l’appel à projets « Low-tech en territoire normand » que nous avons lancé cet automne.

É. H. 

Pour ma part, je pense que la principale priorité, c’est la transformation massive de nos modèles industriels pour se reterritorialiser. Il faut aller plus vite sur la décentralisation, repenser les relations économiques à l’échelle du territoire, pour retrouver le plaisir de partager et de travailler ensemble.